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Souffrance psychique des cadres infirmiers : étude portant sur 97 cadres d'un centre hospitalier universitaire français.
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Publié dans : Archives des maladies professionnelles, vol. 64, n° 6, novembre 2003, pp. 375-382, ill., bibliogr.
Le travail est souvent un élément de santé ; cependant, certaines contraintes psychologiques et physiques au travail font qu'il peut parfois être une source de déstabilisation de l'individu. La souffrance psychique au travail est donc une réalité, et ce quelle que soit la profession. Une enquête sur la santé mentale des cadres infirmiers d'un CHU français a été effectuée, afin de caractériser le lien entre la souffrance psychique et les conditions actuelles de travail. L'étude a été menée auprès de 97 cadres infirmiers à l'aide d'un auto-questionnaire qui comprenait les caractéristiques sociales et professionnelles, le vécu au travail et un questionnaire standardisé de santé mentale, le GHQ 12. Des questions ouvertes ont permis de faire état de propositions concrètes pour l'amélioration de certaines situations de travail. Le taux de réponses était de 89 % ; un tiers des cadres infirmiers interrogés présentait une souffrance psychique (score GHQ 12 supérieur à 12). Aucune des variables sociales ou de celles concernant les tâches professionnelles en elles-mêmes n'était liée à la souffrance psychique des cadres, à l'exception de la gestion du matériel (p = 0,0036). Les possibilités d'épanouissement personnel, de liberté d'initiative et les relations avec les autres ne constituaient pas des facteurs liés à la souffrance psychique. Cependant, les éléments liés au bien-être au travail et à la reconnaissance du travail apparaissaient très déterminants dans l'existence d'une souffrance psychique. C'était l'impossibilité d'effectuer un travail de qualité qui les faisait le plus souffrir mentalement, sous-tendue par un manque de moyens en personnel. Lors des questions ouvertes, les cadres parlaient de réactualiser la fonction de cadre infirmier (création d'un poste de cadre adjoint) et du décalage existant entre l'idéal professionnel et la réalité de terrain. Ils exprimaient un vif regret d'exercer leurs fonctions dans de telles conditions (manque de personnel et de moyens, lourdeur des tâches administratives et légales) et remettaient en cause la fonction d'encadrement elle-même (manque de collaboration avec la hiérarchie et avec le personnel encadré). Ils souhaitaient également avoir accès à des formations adaptées à leur fonction particulière d'encadrement et à des lieux de dialogue entre professionnels. La reconnaissance est au coeur de la souffrance psychique au travail, particulièrement dans les relations avec les médecins. Il est nécessaire de repenser certains aspects de la fonction de cadre en développant des collaborations nouvelles et des stratégies plus centrées sur la personne soignée. Il faudra redonner un sens au travail pour permettre de développer des compétences trop souvent occultées au profit de la réalisation de tâches hors fonction. Si une démarche individuelle est sans doute amorcée pour bon nombre de cadres infirmiers, il reste à développer des stratégies collectives identitaires et à renforcer non seulement la communication avec la hiérarchie, mais aussi la collaboration sur le terrain avec les soignants. C'est au prix de ces changements et avec l'aide d'une structure d'écoute (soutien psychologique) que l'on pourra réduire la souffrance des cadres et améliorer la qualité des soins.