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Sclérodermie systémique et exposition professionnelle aux solvants organiques "perchloréthylène". A propos d’un cas.
Article
Publié dans : Revue française d'allergologie, vol. 50, n° 6, octobre 2010, pp. 501-508, ill., bibliogr.
La sclérodermie est une maladie auto-immune dont la physiopathologie reste mal élucidée et de mécanisme probablement plurifactoriel. L’observation de cas de sclérodermies chez des sujets professionnellement exposés aux solvants organiques fait suggérer le rôle probable des facteurs environnementaux dans la genèse de cette maladie. Le but de cet article était de discuter l’origine professionnelle de la sclérodermie systémique en rapport avec l’exposition chronique au perchloréthylène (CCL2), solvant très utilisé dans l’industrie et incriminé selon la littérature dans la genèse d’une telle pathologie, et de proposer une éventuelle stratégie préventive. Les auteurs rapportent l’observation d’un cas de sclérodermie chez une ouvrière dans l’industrie d’habillage des volants et exposée à de nombreux solvants organiques. Il s'agissait d'une patiente âgée de 23 ans, ouvrière dans une société d’habillage des volants depuis six ans affectée au poste de collage et exposée de ce fait à plusieurs solvants organiques dont le perchloréthylène, et qui a présenté cinq ans après son embauche une symptomatologie évocatrice de sclérodermie systémique. Sur le plan para-clinique, on note des anticorps antinucléaires positifs, une diminution nette du nombre de capillaires à la capillaroscopie, un syndrome restrictif respiratoire modéré et un discret syndrome interstitiel. Une étude environnementale qualitative a été réalisée au sein de l’entreprise et complétée par une étude quantitative avec métrologie atmosphérique qui a pu mettre en évidence des valeurs moyennes d’exposition aux différents solvants conformes aux normes sauf pour le perchloréthylène dont la concentration atmosphérique était de deux fois la norme au poste de collage occupé par la patiente. L’origine professionnelle de la sclérodermie systémique a été posée au vu de l’exposition chronique au perchloréthylène, solvant très utilisé dans l’industrie et incriminé selon la littérature dans la genèse d’une telle pathologie. En effet, l’induction de sclérodermie par les solvants est biologiquement plausible et serait en rapport avec un mécanisme dysimmunitaire, notamment une dénaturation de certaines protéines cellulaires par les solvants. Cet effet perturbateur de l’immunité serait cohérent, d’une part, avec les mécanismes connus de la sclérodermie et, d’autre part, avec d’autres effets possibles de l’exposition aux solvants organiques. À cet effet, et devant l’utilisation largement répandue des solvants dans les entreprises, il faut insister sur le respect des mesures de prévention collective et individuelle. Ces mesures seraient de nature à limiter une éventuelle extension à caractère épidémique de cette toxicomanie aux solvants et le risque d’apparition d’autres effets organiques majeurs d’autant plus que ces manifestations ne font pas actuellement l’objet d’une reconnaissance médicolégale.