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A propos des conducteurs de trains confrontés à un accident de personne : la politique d'accompagnement de la S.N.C.F., outil de prise en charge et de prévention.
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Publié dans : Archives des maladies professionnelles, vol. 65, n° 5, septembre 2004, pp. 396-405, ill., bibliogr.
Depuis 1995, la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) a mis en place une politique de prise en charge globale, à la fois médicale et professionnelle, des conducteurs de trains confrontés aux accidents de personne. C'est dans ce cadre que le service médical de la SNCF a initié une enquête épidémiologique nationale dans le but de mieux connaître les effets médicaux, psychiatriques et professionnels de ces événements sur les conducteurs de trains et d'étudier la pertinence et l'efficacité de la politique d'accompagnement appliquée par l'entreprise depuis 1995. Une étude épidémiologique a comparé un groupe de 106 conducteurs de trains confrontés à un accident de personne en 1994 et n'ayant pas bénéficié des mesures d'accompagnement, à un groupe de 202 conducteurs de trains confrontés à un accident de personne en 1996 et ayant bénéficié de ces mesures d'accompagnement. Lors de chaque évaluation, le médecin du travail a recueilli les événements professionnels et l'aptitude médicale. Le conducteur a fait l'objet d'un examen clinique complet. Les troubles psychiatriques ont été explorés à l'aide du Questionnaire Global de Santé (28 items) et du Mini International Neuropsychiatric Interview. La comparaison des 2 groupes montre qu'à long terme (entre 18 et 44 mois après l'accident) le groupe des conducteurs confrontés à un accident de personne en 1994, et n'ayant pas bénéficié de mesures d'accompagnement, présente au total une fréquence plus élevée d'au moins un trouble psychiatrique (16 % versus 6 %, p < 0,001) principalement représenté par un nombre significativement plus élevé de symptômes de dépression majeure (4 % versus 0 %, p = 0,02). Aucune différence significative n'est retrouvée concernant le syndrome de stress post-traumatique. Aucune différence relative à la situation professionnelle n'est notée. L'absence de différence significative à long terme de syndrome de stress post-traumatique et l'absence de retentissement professionnel à long terme dans les deux groupes permettent de penser que la survenue de troubles aigus au décours de l'accident ne constitue pas un prédicteur de troubles ultérieurs. La discussion amène donc à évoquer, dans le cadre de cette étude, non plus le rôle de facteurs de vulnérabilité mais celui de facteurs protecteurs contre le risque de survenue de troubles psycho-comportementaux à long terme chez les conducteurs confrontés à un accident de personne. La meilleure protection contre la survenue de troubles psycho-traumatiques chez les sujets confrontés à un événement du type accident de personne semble être la qualité du soutien social représenté dans le cadre de l'accident professionnel par le soutien professionnel. Cette donnée, assimilable au support social, est également retrouvée par plusieurs études qui mettent clairement en évidence le rôle du soutien social du groupe d'appartenance de l'individu traumatisé. S'il est difficile à partir de cette étude d'affirmer l'efficacité spécifique de la politique d'accompagnement mise en place par la SNCF auprès des conducteurs confrontés à un accident de personne en ce qui concerne la survenue de troubles psycho-traumatiques ou professionnels, il semble cependant fondé de penser qu'elle a institutionnalisé et officialisé des pratiques « culturelles » constituant pour ce groupe professionnel particulier, un authentique facteur de protection. La reconnaissance de l'accident de travail a probablement légitimé l'accident de personne en tant que risque professionnel et a sans doute permis au conducteur confronté à un accident de personne une déculpabilisation en améliorant sa confiance vis-à-vis de l'entreprise.