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Agir pour la santé des « travailleurs vulnérables » : expérimentation d’un partenariat entre services de santé au travail et centres d’examens de santé de l’assurance maladie (PREMTES).
Article
Publié dans : Archives des maladies professionnelles et de l'environnement, vol. 73, n° 2, avril 2012, pp. 127-137, ill., bibliogr.
Les mutations socio-économiques en cours depuis les trois dernières décennies dans les pays industrialisés sont à l’origine d’un processus de précarisation de l’emploi qui, couplé aux difficultés socio-économiques, renforce la désinsertion sociale et se répercute sur l’accès aux soins et la santé. L’objectif de l’expérimentation PREMTES est d’évaluer un partenariat entre des services de santé au travail (SST) et des centres d’examens de santé (CES) de l’assurance maladie, visant à proposer aux travailleurs en situation de vulnérabilité sociale de passer le bilan de prévention des CES. Les travailleurs vulnérables ont été identifiés lors de la visite de médecine du travail grâce à un questionnaire socio-administratif comportant le score EPICES (score individuel de précarité reposant sur 11 questions binaires oui/non), de sorte que le bilan de prévention des CES leur soit proposé. Leur état de santé a été comparé à celui de travailleurs non vulnérables (selon EPICES), examinés dans les mêmes CES entre 2007 et 2008, dans le cadre de leur activité de routine, par régression logistique multivariée. L’expérimentation a été conduite entre 2008 et 2010, auprès de 32 SST et 20 CES de dix régions françaises. Le questionnaire a été administré par 192 médecins du travail, dans un échantillon aléatoire de 15 692 salariés. Parmi l’ensemble des travailleurs, 27,2 % (4 272) ont été identifiés comme vulnérables. Le bilan de prévention leur a été proposé, et près du quart de ces travailleurs (23,2 %) se sont rendus dans les CES pour le réaliser. Comparés aux travailleurs non vulnérables, les travailleurs de l’expérimentation ont un état de santé dégradé pour la plupart des indicateurs : comportements à risque, non recours aux soins, santé perçue et mesurée. A titre d’exemples, les OR (odd ratio) atteignent 4,27 (intervalle de confiance à 95 % : 3,66-50) pour le tabagisme élevé, 3,23 (2,58-4,04) pour le non suivi gynécologique, 2,82 (2,44-3,26) pour la perception négative de la santé, 2,21 (1,84-2,65) pour l’obésité et 3,38 (2,31-4,93) pour le diabète. Ces résultats sont similaires à ceux observés dans des populations de chômeurs. La vulnérabilité sociale selon EPICES est significativement plus fréquente pour les catégories sociales défavorisées, pour les emplois instables et à temps partiel non choisi, pour les salariés vus en visites médicales d’embauche, de reprise et spontanées et en cas de non déclaration du médecin traitant. Les proportions de travailleurs vulnérables sont également élevées dans des secteurs d‘activité et professions tels que bâtiment, entretien et nettoyage, hôtellerie, restauration et commerce de détail, services aux particuliers (auxiliaire de vie, ménage à domicile). Une enquête de satisfaction a montré une évaluation positive de l’expérimentation par les travailleurs et les personnels des SST et CES. Ces résultats justifient de proposer le maintien et l’extension du partenariat entre les SST et les CES. Le but est de faciliter l’accès à la prévention, au parcours coordonné de soins et à divers relais dans le champ de la promotion et de l’éducation pour la santé et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs en situation de vulnérabilité.