La prise en compte du suicide au titre des risques professionnels : regards croisés sur la jurisprudence judiciaire et administrative.


Article

JOLY B.

Publié dans : Droit social, n° 3, mars 2010, pp. 258-266, bibliogr.

Les suicides sur les lieux de travail ont fait l’objet d’une jurisprudence judiciaire abondante, et ce, dès l’entrée en vigueur de la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail. Cet article revient sur la construction de cette jurisprudence autour des suicides et accidents du travail, pour mieux éclairer les contours actuels du droit applicable à la reconnaissance du suicide comme un risque professionnel. Il croise ensuite l’approche du juge judiciaire pour les salariés de droit privé avec celle retenue pour les mêmes types de faits par le juge administratif en ce qui concerne les agents publics. Devant le juge judiciaire, la prise en compte du suicide au titre du risque professionnel passe encore majoritairement par le recours à l'accident du travail (suicides au temps et lieu de travail pour lesquels la présomption d'imputabilité joue pleinement, suicides survenus sur le trajet habituel entre le domicile et le lieu de travail, suicides qui sont la conséquence d'un accident du travail pour lesquels le lien entre le suicide et le travail est à démontrer. La construction de l'indemnisation du suicide au titre des risques professionnels s'est opérée par des déplacements successifs du droit. En premier lieu, l'approche jurisprudentielle considérait le suicide comme la conséquence d'un accident du travail, évènement tramatique clairement identifible. On a noté ensuite une progression dans les possibilités de reconnaissance du suicide au titre des risques professionnels. Dans un premier temps, le suicide découlant du travail n'était regardé que comme la conséquence physiologique d'accidents du travail entraînant les lésions neurologiques qui avaient perturbé les facultés mentales des salariés. Dans un deuxième temps, le suicide a été vu comme la simple conséquence du retentissement psychologique d'un accident du travail ayant porté atteinte à l'intégrité physiologique du salarié (perte d'identité sociale et professionnelle, sentiment de diminution à l'origine de tendances suicidaires. Dans un troisième temps, enfin, la jurisprudence a pris en compte de manière exclusive la dimension psychologique du traumatisme : remontrances vives à l'origine d'un traumatisme psychologique ou état psychologique rattachable au travail (dépression, perte temporaire de ses facultés...). La dernière tendance de la jurisprudence est de qualifier le suicide lui-même comme accident du travail, le lien avec le travail étant constitué par le caractère déterminant de la dégradation des conditions de travail et du comportement de l'employeur. La reconnaissance du caractère professionnel du suicie au titre des maladies professionnelles, s'avère, elle aussi, possible, mais moins fréquente. Devant le juge administratif, la prise en compte du suicide en tant que risque lié au service s’appuie autant sur la maladie, par exemple une dépression liée au milieu professionnel, que sur l’accident de service. Les principes appliqués pour la reconnaissance d’un suicide au caractère professionnel sont proches de ceux du juge judiciaire mais les mécanismes juridiques relatifs à l’imputabilité diffèrent : pour les agents publics , la présomption d’imputabilité en matière d’accident de service n’existe pas. Un suicide survenant sur le lieu de travail ne sera imputable au travail que si un lien direct est établi entre le service et l’accident. Ceci n'aboutit pas pour autant à une protection moindre contre le risque de suicide à caractère professionnel chez les agents publics, mais à une répartition plus homogène de la prise en compte des suicides, entre les accidents de service et les maladies imputables au service.

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