Travailler la nuit en 8, 10 ou 12 heures à l'hôpital.


Article

ESTRYN-BEHAR M. | BONNET N.

Publié dans : Archives des maladies professionnelles, vol. 61, n° 6, octobre 2000, pp. 402-416, ill., bibliogr.

La comparaison des conditions de travail à l'hôpital, selon les différents horaires et leurs répercussions sur la santé et la vie sociale a été réalisée à l'aide d'un questionnaire auto-administré à un échantillon de 2 241 femmes. Il a été possible de distinguer celles travaillant de jour, commençant tôt ou tard, celles d'après-midi, et celles de nuit, travaillant avec des nuits de 8, 10, ou 12 heures. Des analyses par régression logistique multiple ont été conduites pour prendre en compte les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles. Pour les difficultés de sommeil les jours de travail, les odds ratios ajustés sont supérieurs à 2 pour les employées travaillant en nuit de 8, 10 et 12 heures par rapport à celles travaillant de jour et commençant tard. Les femmes travaillant de nuit en 12 heures présentent moins de problèmes de sommeil les nuits de repos, car elles ne travaillent jamais plus de trois nuits consécutives. Mais les femmes travaillant en nuits de 8 ou 10 heures, soit 4 à 8 nuits consécutives, retrouvent plus fréquemment ces difficultés lors des nuits de repos que celles travaillant de jour tard (odds ratios 1,86 et 2,01 respectivement). Les femmes en nuit de 12 heures se réveillent fatiguées plus fréquemment que celles en 10 heures, car elles n'ont pas le droit de prendre une pause endormie. Beaucoup (34 %) travaillent en services de soins intensifs. L'irritabilité apparaît plus fréquemment, et de façon significative, parmi les femmes travaillant en nuits de 8 heures (souvent 7 ou 8 nuits une semaine et 2 ou 3 nuits la semaine suivante). Ces difficultés sont aussi fréquentes pour les femmes travaillant de jour mais commençant tôt. Leur odds ratio pour l'irritabilité est de 1,41 par rapport aux femmes de jour commençant tard. Avoir trois enfants ou plus correspond à un odds ratio de seulement 1,38 pour les troubles de sommeil les jours de travail, mais ne présente pas d'influence significative les jours de repos. Comme seulement 5 % de l'échantillon travaille en équipes alternantes avec des nuits, les troubles gastro-intestinaux sont moins fréquents parmi cette population de nuit que parmi celle de jour tard (odds ratio 0,61 pour les femmes en nuits de 10 heures et 0,58 pour celles en nuits de 12 heures). Ce peut être dû à leur travail très interrompu de jour, avec le stress du risque d'erreur et du manque de temps relationnel. Le stress de la prise de décision favorise aussi la survenue de ces troubles (odds ratio inférieur pour les aides-soignantes : 0,65 par rapport aux surveillantes). L'obésité n'est pas plus fréquente chez les femmes de nuit. Le grade (odds ratio : 4,13 pour les agents hospitaliers) ou le nombre d'enfants sont les déterminants principaux des habitudes alimentaires. Seules les femmes travaillant le matin et commençant après 7 heures 30 ont des loisirs hors domicile fréquents et une vie sociale active. Les femmes de moins de 30 ans et sans enfants sortent significativement plus. Dans le cas des femmes de nuit, celles ayant des enfants ont leur vie hors travail très centrée sur ceux-ci, mise à part la lecture. La réduction du temps de travail de nuit à 35 heures par semaine, décidée en 1994, a sans doute amélioré la situation. Mais il est nécessaire de mener une réflexion sur l'ensemble des horaires de travail à l'hôpital.

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