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Perturbateurs endocriniens et preuve épidémiologique en santé au travail : nécessité et défis méthodologiques.
Article
Publié dans : Environnement, risques et santé, vol. 16, n° 5, septembre-octobre 2017, pp. 479-490, ill., bibliogr.
Concernant les perturbateurs endocriniens, si les études expérimentales animales sont conséquentes avec en conclusion des effets biologiques et nocifs sur les organismes vivants solidement argumentés, il en est tout autrement pour les études épidémiologiques, notamment en santé au travail. Globalement le niveau de preuve de ces études est plutôt faible pour établir une relation de cause à effet. Si par nature les études épidémiologiques observationnelles sont porteuses de limites méthodologiques, celles sur les PEs présentent des complications spécifiques. Il est proposé dans cet article de rapporter les préoccupations clés rencontrées dans la mise en place d’étude épidémiologique sur les PEs, notamment en milieu de travail. Des interrogations existent quant à la survenue d’effets des PEs pour des faibles concentrations d’exposition voire très faibles concentrations. Quantifier ces faibles doses et pouvoir montrer des différences d’effets entre groupes exposé et non exposé est un premier défi méthodologique. Trouver des groupes contrôles pertinents en est un autre du fait de l’existence d’un bruit de fond d’exposition au PEs en population générale. Expérimentalement, il apparaît que les très faibles effets non repérables de certains PEs peuvent se combiner (effets additifs ou synergiques) et si ceux-ci sont présents en nombre suffisant avoir un effet propre repérable. Ainsi, la possibilité d’effets combinés de PEs peut augmenter le niveau de risque dans le groupe contrôle et diminuer encore la possibilité de mettre en évidence un effet. De ce constat, une autre conséquence est à déduire. Les études épidémiologiques en général se focalisent sur la recherche d’effet propre molécule par molécule. En phase avec les résultats expérimentaux, certaines études épidémiologiques ne rapportent pas d’association pour des PEs testés individuellement, mais rapportent des associations positives pour des combinaisons de PEs. Si ces résultats ne permettent pas de conclusions définitives, les outils d’investigations des expositions de mélange de substances (mixture) doivent être développés. Prendre en compte l’existence de courbes dose-réponse non monotones est un autre souci de taille. Elles peuvent expliquer des résultats paradoxaux comme des effets plus forts à faibles doses qu’à fortes doses et des résultats divergents entre études épidémiologiques. Des effets différents suivant le moment de l’exposition sont une autre particularité partagée pour un certain nombre de PEs. Sur le plan méthodologique et concernant l’impact sur un organisme en développement (e.g. foetus), pouvoir être en capacité de mesurer les niveaux d’exposition durant des fenêtres de temps relativement précises se présente comme un enjeu fort pour démontrer un lien entre PEs et événement de santé. Ces complications spécifiques expliquent sans doute le faible nombre d’études épidémiologiques en santé au travail sur les PEs. Au regard de la complexité des mécanismes de régulation de l’organisme humain et des différences inter-espèces, les modèles animaux peuvent ne pas être toujours pertinents. Il existe particulièrement pour l’étude des PEs une difficulté d’extrapoler à l’Homme les données animales. Pour évaluer l’importance de ce facteur de risque émergent en termes d’impact sur la santé humaine, le développement d’étude épidémiologique est une impérieuse nécessité.