Effets de la contamination chronique à l’uranium sur la mortalité : bilan d’une étude-pilote chez les travailleurs de l’industrie nucléaire en France.


Article

GUSEVA CANU I. | ZHIVIN S. | GARSI J.P. | CAER-LORHO S. | ET COLL.

Publié dans : Revue d'épidémiologie et de santé publique, vol. 62, n° 6, décembre 2014, pp. 339-350, ill., bibliogr.

Plusieurs études ont été réalisées chez les travailleurs du nucléaire français sur les effets de l’exposition externe aux rayonnements ionisants (RI). Une étude-pilote des effets de l’exposition interne à l’uranium sur la mortalité a été lancée en 2005. Les résultats de cette étude sont présentés et comparés à ceux des autres études des travailleurs du nucléaire. Une cohorte de 2 897 travailleurs de l’établissement Areva-NC-Pierrelatte a été suivie du 1er janvier 1968 jusqu’au 31 décembre 2006 (79 892 personnes-années). Sa mortalité a été comparée à celle de la population française en calculant les SMR (« Standardized Mortality Ratio ») et les intervalles de confiance à 95 % (IC 95 %). L’exposition externe aux RI a été reconstituée via les archives dosimétriques, et l’exposition à l’uranium via une matrice emplois-exposition. Six types d’uranium ont été considérés selon leur isotopie (uranium naturel et uranium issu du retraitement, URT) et leur solubilité (forte-F, modérée-M et faible-S). L’analyse du lien entre les expositions et la mortalité portait sur les causes de décès associées aux RI (cancers et maladies du système circulatoire) et les cancers des organes-cibles de l’uranium inhalé (poumons et tissus lymphatique et hématopoïétique, TLH). Les résultats ont montré que la cohorte présentait une sous-mortalité toutes causes (SMR = 0,58 ; IC 95 % de 0,53 à 0,63), tous cancers (SMR = 0,72 ; IC 95 % de 0,63 à 0,82) et cancers associés au tabagisme traduisant l’effet du travailleur sain. Un excès non significatif a été observé pour les cancers de la plèvre (SMR = 2,32 ; IC 95 % de 0,75 à 5,41), du rectum et des TLH, notamment le lymphome non hodgkinien (SMR = 1,38 ; IC 95 % de 0,63 à 2,61) et la leucémie lymphoïde chronique (SMR = 2,36 ; IC 95 % de 0,64 à 6,03). Aucune relation significative avec la dose cumulée externe n’a été mise en évidence. Pour l’uranium faiblement soluble, notamment l’URT, une augmentation de risque de mortalité de 8 à 16 % par point de score d’exposition cumulée et de 10 à 15 % par année d’exposition a été observée. En conclusion, la cohorte Areva-NC-Pierrelatte présente une surmortalité (non significative) par cancers des TLH, notamment d’origine lymphoïde, sans lien avec l’exposition externe aux RI. L’étude-pilote suggère un lien entre la mortalité par cancer des TLH et des poumons et l’exposition à l’URT faiblement soluble. Ce résultat doit être confirmé par d’autres études, plus puissantes, et par des analyses dose-réponse reposant sur le calcul de la dose absorbée à l’organe-cible de l’uranium.

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